La loutre : victime collatérale de la vidange du barrage

Après des décennies de persécutions, la loutre avait réussi à recoloniser l’Eyrieux. La vidange du barrage des Collanges a forcé la loutre à fuir un tronçon entier de la rivière. Face à ce désastre, quel avenir pour cette sentinelle de la rivière ?

BARRAGEARTICLE DE FOND

S. DARNAUD

2/12/2025

LE RETOUR DE LA LOUTRE : DE LA PERSÉCUTION À LA PROTECTION

Merveilleuse petite bête à la frimousse si sympa ! Elle a presque toujours fréquenté le bassin de l'Eyrieux. Nous avons des témoignages pour le bassin de l’Eyrieux, de piégeurs jusque vers la fin des années 1960.

Pourtant, cette espèce mal aimée a bien failli disparaître de l'hexagone, faute au piégeage et à l'extermination dont elle était victime. Grâce aux mesures de protection inspirées par des personnalités éclairées dont des pêcheurs, elle n’est plus chassable en France depuis 1972 et elle a obtenu le statut d’espèce protégée en 1981.

Eric, notre naturaliste, a suivi son retour au début des années 2000. Eh oui, bonne nouvelle dès qu’on arrête de maltraiter une espèce ou son milieu naturel, elle revient si on n’en a pas trop exterminé toutefois !

UN PRÉDATEUR DISCRET MAIS ESSENTIEL

Les loutres occupent environ 10 à 40 kilomètres de linéaire de rivières, cela dépend de la ressource alimentaire et du sexe. Les mâles, ayant un territoire plus vaste, peuvent ainsi visiter le territoire de plusieurs femelles ! Côté reproduction, les loutres peuvent se reproduire toute l’année : pas de saison comme nombre d’autres animaux.

Attention pas de risque d'invasion, la reproduction demande beaucoup d’énergie et de temps à la maman pour élever ses petits ! Cette espèce étant solitaire les jeunes devront s’en aller trouver un nouveau territoire inoccupé.

De plus, étant un superprédateur au sommet de la chaîne alimentaire, les effectifs de loutres dépendent strictement de la ressource alimentaire : plus il y a de proies, plus il y a de loutres !

Quel bonheur de rencontrer les pêcheurs souhaiter voir un maximum de loutres. Ils ont tout compris, cela signifie qu’il y a un maximum de poissons !

Côté régime alimentaire la loutre est opportuniste et mange ce qu’elle déniche : des poissons mais aussi des grenouilles, des crapauds (tête non consommée et peau déroulée à l’envers), les écrevisses, des serpents d’eau, des insectes d’eau…

Il est très rare d’observer la loutre car elle occupe un territoire vaste et elle est craintive ! Pour attester de sa présence, il est possible de rechercher des empreintes. Toutefois, elles sont rares dans nos vallées car les rochers et galets sont omniprésents. Le plus simple reste donc la recherche d'épreintes, crottes laissées en évidence sur les berges en des lieux stratégiques (parfois la loutre fait même un monticule de sable !). Ces épreintes nous renseignent sur ce qu’a mangé l’animal.

Pour les loutres, ces épreintes délimitent un territoire, permettant également de savoir le sexe et l’état (chaleurs des femelles)…

Avec des analyses génétiques, il est possible d’en savoir plus (sexe, origine, diversité génétique…). Une étude originale sur la rivière Drôme a utilisé les épreintes de loutres pour évaluer la pollution du milieu. La loutre étant un superprédateur (au sommet de la chaîne alimentaire), elle accumule dans son corps certains polluants présents dans sa nourriture !

QUAND LA RIVIÈRE MEURT, LA LOUTRE DISPARAÎT…

Suite à l’épisode de la vidange du barrage des Collanges sur l’Eyrieux, les loutres ont déserté la rivière sur plusieurs kilomètres en aval. En effet, les poissons ayant tous été tués sur ce tronçon, elles ne trouvent plus rien à manger !

Et dire que certaines espèces (sonneur à ventre jaune, castor, ...) avaient été prises en compte par l’Arrêté Préfectoral du 9/08/24 définissant les mesures de réduction des impacts sur la biodiversité lors de la vidange… Pourquoi rien n'a été prévu pour la loutre, alors qu’elle était tout aussi exposée aux risques connus et dramatiquement vérifiés lors de cette opération dénoncée par BEED (lire l'infolettre n°16) ?

Les loutres reviendront fort probablement, mais trouveront-elles de la nourriture saine ou contaminée aux métaux lourds ? La présence de la loutre est souvent mise en avant par les institutions comme un indicateur de la bonne qualité de l'eau. Pourtant, cette affirmation est totalement erronée. La loutre n'a aucun moyen de déterminer si ce qu'elle consomme est sain ou contaminé. On l'observe d'ailleurs dans des cours d'eau fortement pollués. Elle peut seulement compter (sans le savoir) sur la gestion des milieux naturels, en espérant que ceux qui en ont la responsabilité soient à la hauteur de leur mission !

La bioaccumulation des polluants dans leur organisme représente une préoccupation majeure, entraînant des risques de maladies, une mortalité précoce et des difficultés de reproduction. Curieusement, nous sommes confrontés aux mêmes problèmes… C’est pourquoi défendre la loutre est un enjeu essentiel pour l’avenir : c’est œuvrer pour un environnement sain et garantir également à nos enfants et aux générations futures une meilleure qualité de vie. Un objectif noble qui, visiblement, n’a pas encore été pleinement pris en compte par certains gestionnaires.

BEED restera vigilante sur ce point…

Si la loutre vous intéresse particulièrement, nous pourrons organiser des sessions de formation à votre demande. N’hésitez pas à contacter l’association : contact@beed07.org